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Pierre Hermans, expert consultant auprès de Reforest'Action, était à Landiras ce jeudi 21 juillet, dans l'une des zones des incendies qui ont détruit plus de 20 000 hectares de forêt. Il livre un témoignage fort de son ressenti sur place ainsi que ses réflexions quant à la future restauration du site.

26/07/2022 - Reforest'Action


Catégorie: 

incendies - feux de forêts - Gironde - réchauffement climatique

Gironde, jeudi 21 juillet 2022, l’incendie sur la zone de Landiras est toujours en cours. Son extension est enfin freinée, mais le feu n’est ni maitrisé, ni fixé. Le Maire de Landiras m’a octroyé un laissez-passer technique me permettant de pénétrer dans le périmètre interdit et de suivre les pompiers en opération. Je dispose d’un créneau de deux heures, pas une minute de plus, pour appréhender sur le terrain les circonstances de l’incendie et tenter de comprendre son mécanisme et sa dynamique, ce qui permettra de mieux envisager la restauration des parcelles et la prévention des futurs incendies.

Plus de 20 000 hectares de forêt ont brûlé depuis le mardi 12 juillet en Gironde © Reforest'Action - Pierre Hermans

La première impression est surnaturelle : le périmètre en question – la zone de Landiras / Balizac / Saint Symphorien - est totalement désert. Les maisons sont vides. Je ne croise personne sur les routes, sur des kilomètres. La seule présence humaine dans les villages est celle des pompiers, regroupés sur des lits de camp autour de leurs véhicules d’intervention, aux abords d’une école ou d’une salle des fêtes transformée pour l’occasion en espace de repos ou en poste de commandement. Partout flotte une odeur de brulé et de fumée. Les Canadairs tournent dans le ciel.

Je suis là en tant que professionnel de la forêt, pour des constats techniques, mais très vite ils passent au second plan. Ce qui me marque le plus, c’est l’humain, la détermination et le courage des gens que je croise. A la Mairie de Landiras, déjà, malgré le manque de sommeil évident, tout le monde est disponible, à l’écoute, en mouvement. Sur le terrain, dans la forêt calcinée encore fumante, je rencontre des pompiers venus de toute la France, ils avancent mètre par mètre pour combattre le redémarrage du feu qui couve partout, sous la cendre. Cagoulés et casqués, ils tirent d’interminables tuyaux pour pénétrer au cœur des parcelles où leurs véhicules ne peuvent accéder. Ici aussi la fatigue est palpable, mais la mission sera accomplie, quoi qu’il en coûte.

D’un point de vue forestier, je suis d’abord surpris par l’ampleur des travaux qui ont été effectués en une semaine, à peine, par les entrepreneurs et sylviculteurs locaux : ouverture de coupe feux, nettoyage des lisières, parfois sur une largeur importante, pour éviter que le feu ne franchisse les routes, exportation des matières combustibles… La mobilisation est totale.

Il reste, de ci de là, des parcelles intactes sur pied, qui témoignent de la nature de la forêt sur ces territoires : des pinèdes monospécifiques très denses, sur de vastes étendues. Un départ de feu dans de tels peuplements ne pouvait être que dévastateur. Pourtant, quand le temps de la réflexion et de la restauration du site sera venu, il faudra éviter les utopies, et tenir compte de la spécificité de la station : les sols sont pauvres et sablonneux, le pin est une des seules essences qui peut y pousser correctement. Il serait simpliste de vouloir l’éliminer, sous prétexte de son inflammabilité. Bien sûr une certaine diversification devra être étudiée, mais plus encore, c’est le design des parcelles qui devra être repensé. Les densités, la gestion des lisières, la création et l’entretien de coupe-feu et chemins d’accès seront les éléments clés qui permettront à l’avenir d’éviter la propagation d’incendies incontrôlables.

A Landiras comme ailleurs, une fois de plus, les forestiers sont confrontés au défi immense du changement climatique et des phénomènes induits, qui impose une mobilisation totale de tous les acteurs.

 

Pierre Hermans collabore depuis sept ans avec Reforest’Action en qualité d'expert consultant, spécialiste des forêts européennes. Son rôle est d’identifier, d’évaluer et de mettre en œuvre des projets de reforestation ou de restauration de forêts dégradées dans toute l’Europe, et parfois au-delà. Il bénéficie pour cela du soutien et des compétences du Pôle Forêt de Reforest’Action. Il apporte également un support technique dans l’élaboration et le suivi de projets agroforestiers.
Parallèlement, il est le fondateur (1994) et manager de Sylva Nova, un cabinet international de consultance effectuant de nombreuses missions relatives à la forêt et à ses enjeux, pour le compte de propriétaires forestiers privés, mais aussi d’organismes de certification, d’Organisations Internationales (ONU, FAO, IUCN…) d’ONG (Jane Goodall Institute)… et de Reforest’Action.
A titre personnel, il est également expert des Nations Unies (UNECE) en tant que membre permanent du groupe de travail chargé d’évaluer les ressources forestières européennes ; membre du Conseil d’Administration de FSC Belgique ; et membre de la Chambre Economique Hémisphère Nord de FSC International.

 

1 Comment
Non m Hermans le pin n est