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Pérou : les impacts socio-économiques d’un projet démarré il y a 8 ans

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Initié en 2015, le projet développé dans la région de San Martín au Pérou, et conduit sur le terrain par le Centre Urku, est le plus ancien projet financé par Reforest’Action au cœur de la forêt amazonienne. Si les premières années étaient consacrées au développement de l’agroforesterie, cette dernière saison se caractérise par la régénération naturelle d’un grand nombre d’espèces natives, toujours en faveur de la conservation de l’Amazonie. Après 8 ans d’existence, les impacts du projet pour les populations locales ne sont pas négligeables. Tour d’horizon des alternatives économiques nées grâce à la forêt régénérée.

Un projet historique pour Reforest’Action

Historiquement localisé autour de la ville de Tarapoto, dans l’aire de conservation de la Cordillera Escalera, le projet s’est étendu au fil des ans pour concerner trois régions au nord-est du Pérou : San Martín, Loreto et Ucayali.

Ancrée dans la haute Amazonie, la zone du projet était à l’origine recouverte de forêts tropicales et de zones humides. Depuis la fin du XXe siècle, l’expansion des programmes agricoles pour la culture de café, cacao, bananes, maïs ou encore de manioc, la construction d’infrastructures routières ainsi que l’abattage illégal de bois ont provoqué la déforestation massive de millions d’hectares de forêts primaires. De plus en plus, les familles des ethnies autochtones Shawi, Awajun et Quechua souffrent de la disparition des écosystèmes naturels : modification de la saison des pluies, sécheresses prolongées et manque d’eau deviennent monnaie courante.

Jungle péruvienne vue en drone

Au travers de l’implantation de systèmes agroforestiers, l’objectif initial était de restaurer les terres de petits producteurs indigènes via l’implantation d’espèces natives en agroforesterie. Au cours des premières années du projet, une diversité d’essences fruitières (citronniers, manguiers, cacaoyers), d’essences à croissance rapide (acacias) et de haut-jet (acajous) ont été plantées. Plusieurs années plus tard, sur certaines parcelles agroforestières, les arbres sont devenus si grands qu’ils forment déjà une jeune forêt, accueillant la biodiversité et permettant la renaturation des sols.

Bénéficiaire devant plantes

Évolution du projet : place à la régénération

Actuellement mise en œuvre au sein de deux communautés de l'ethnie Shawi, aussi appelée Chayahuita, la saison 2022-2023 traduit l’évolution du projet et des travaux menés avec les populations.

Aujourd’hui, il n’est plus question de planter de nouveaux arbres, mais de favoriser la régénération naturelle de la forêt. Depuis 2022, le centre Urku, porteur du projet sur le terrain, travaille main dans la main avec le peuple Shiwa pour lutter contre la déforestation et restaurer les écosystèmes dégradés, sans planter. Grâce au financement apporté par Reforest'Action, notre partenaire développe et promeut un panel d’incitations économiques visant à dissuader les familles d’agriculteurs d’endommager davantage leurs terres par leurs pratiques conventionnelles, ou de couper la forêt environnante. Laissant la nature reprendre ses droits, un grand nombre d’arbres et de plantes natives de la région parviendront à se régénérer seuls.

Forêt et régénération naturelle vue en drone

Afin de promouvoir la régénération naturelle au sein des communautés, ces dernières sont accompagnées financièrement pour protéger leurs parcelles. Lutter contre les parasites, empêcher le bétail alentour d’y accéder, prévenir les incendies (devenus de plus en plus fréquents) et éviter qu’ils ne se propagent… : il est nécessaire de prendre certaines mesures préventives pour permettre aux écosystèmes de se rétablir naturellement.

En complément, le centre Urku dispose de plusieurs pépinières où sont actuellement produits des plants de verveine noire, goyavier, açaï du Brésil, baumier du Pérou, acajou et autres essences natives. Ces plantes locales aux fruits nutritifs ou au bois précieux ont pour vocation d’être distribuées aux familles qui participent au projet et d'être mises en terre en fonction de leurs besoins.

Depuis juillet 2022, 65 hectares de zones déboisées ont été réhabilités et 273 000 plantes natives ont été valorisées via la régénération naturelle, pour un total de 657 000 arbres plantés ou régénérés depuis 2015. Durant cette saison, dix-neuf familles Shawi participent aux actions menées et en bénéficient.

Canoë sur rivière dans la jungle

Les bénéfices d’une telle approche

Contribuer à la conservation de l’Amazonie au moyen de la régénération naturelle présente de nombreux bénéfices. En plus de restaurer la faune et la flore locales de manière douce, cette méthode incitative permet de sensibiliser les bénéficiaires à l’importance de conserver le couvert forestier. Il s’agit de montrer aux exploitants qu’il est possible de générer des revenus décents sans nécessairement couper les arbres ; et que la valorisation de leur environnement naturel peut leur permettre d’atteindre une meilleure qualité de vie.

La préservation de la biodiversité est une des principales missions du centre Urku. La très grande variété d’essences endémiques protégées dans le cadre du projet contribue à la conservation de la biodiversité végétale en Amazonie et à la préservation des espèces animales en danger. En outre, les activités du centre comprennent le sauvetage d’animaux sauvages capturés pour le commerce illégal, leur réhabilitation et leur réinsertion. Depuis 2006, plus d'un millier d'animaux appartenant à 61 espèces différentes ont été sauvés grâce à leurs actions.

Dans la jungle

Après 8 ans de collaboration avec Reforest’Action, la multitude d’essences plantées a permis au centre de recherche d’Urku d’accumuler des connaissances botaniques et scientifiques sur chacune d’entre elles. L’entretien et la régénération naturelle des arbres n’en sont que renforcés, permettant la reconnaissance et l’exploitation de leur valeur économique au niveau local. À partir des espèces nourricières, médicinales ou mellifères présentes sur les parcelles, notre partenaire œuvre à la revitalisation des savoir-faire ancestraux de l’Amazonie péruvienne aux côtés des communautés locales.

Les impact socio-économiques du projet

Régénération naturelle et alternatives économiques sont étroitement liées. En effet, il est nécessaire de convaincre les producteurs de l’intérêt économique des arbres qu’ils protègent. Pour cela, le centre Urku sensibilise et encourage les populations à développer un certain nombre d’activités génératrices de revenus sur le long terme.

Les bénéficiaires sont ainsi parvenus à diversifier l’économie locale en capitalisant sur les services écosystémiques rendus par les arbres devenus grands. Un éventail d’initiatives plus ou moins lucratives ont vu le jour, telles que l’apiculture, la vente de citrons issus de l’agroforesterie, la fabrication de produits cosmétiques à base d’huiles essentielles, la production de chocolat et de distillat de cacao, le tourisme médicinal ou encore le chamanisme autour des plantes sacrées.

Bénéficiaire du projet

Au vu des résultats obtenus, les familles impliquées semblent satisfaites et très motivées. Lors de l’audit du projet, elles témoignent avoir réussi à développer une alternative à la déforestation tout en augmentant leur niveau de vie ; mais aussi à améliorer leur alimentation grâce aux fruits des arbres plantés en agroforesterie les années précédentes. Sur 25 bénéficiaires interrogés, tous ont créé une activité économique en lien avec le projet et 24 confirment que le projet leur apporte des avantages économiques directs, à eux et à leur famille.

L’apiculture comme pilier économique

Dès 2021, le centre Urku a mis en place une chaine productive autour d’une activité phare : l’apiculture. L’élevage d’abeilles repose sur la régénération naturelle des terres déboisées, qui permet la croissance de nombreuses espèces floristiques, attirant les pollinisateurs. Aujourd’hui, 90 % des familles qui participent au projet ont développé une activité apicole et une coopérative, composée de 20 néo-apiculteurs, a récemment vu le jour. Nommée « Mushuk runa », celle-ci reçoit un soutien technique de la part de notre partenaire et a même profité d’une subvention de la part du gouvernement péruvien pour l’achat de nouveaux équipements.

Activité d'apiculture

Activité d'apiculture

Certains bénéficiaires sont allés un pas plus loin en tirant profit des revenus provenant de l’apiculture pour construire de véritables lieux d’accueil du public au sein de leurs parcelles. Sur le modèle de l’éco-tourisme, ils proposent des offres diverses et variées, s’appuyant toutes sur la régénération naturelle de la forêt amazonienne : ateliers pédagogiques, vente d’artisanat, cérémonies spirituelles…