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Comment faire renaître une forêt après un incendie ?

Décryptages

Ces derniers mois, des feux de forêt de grande ampleur ont marqué l’actualité, en particulier en Amazonie et en Sibérie, mais aussi plus récemment en Californie. Avec le changement climatique, les sécheresses et les canicules se font plus intenses, ce qui provoque des incendies gigantesques, véritables catastrophes à la fois pour l’environnement et pour les populations locales. Nous avons posé quelques questions à nos Responsables de Projets Forestiers pour mieux comprendre quelle est la meilleure stratégie à adopter pour favoriser la régénération d’une forêt après de tels aléas.

Quelles sont les conséquences des incendies sur les écosystèmes forestiers ?

Il y a deux conséquences principales sur la forêt lors d’un incendie : d’une part, la combustion des arbres entraîne la libération dans l’atmosphère du carbone stocké dans leur bois, leur feuillage et le sol forestier ; d’autre part, cela détruit les habitats de la biodiversité, qui doit alors fuir quand elle le peut.

D’autres conséquences apparaissent dans un deuxième temps : la plus évidente est celle de la dégradation des paysages, car les ravages causés par un incendie sont visibles pendant de nombreuses années. Le couvert forestier ayant été détruit, les sols se retrouvent exposés, ce qui entraîne un risque important d’érosion. Dans certains cas, la couche de cendres est si épaisse qu’elle forme une croûte qui a un effet hydrofuge : l’eau pénètre alors difficilement dans le sol, et va ruisseler si les précipitations sont abondantes, pouvant ainsi entraîner des glissements de terrain ou des coulées de boue.

Enfin, même si certains arbres ont survécu à l’incendie, ils sont parfois affaiblis, et donc plus vulnérables aux parasites et aux champignons, d’où un risque accru de dépérissement dans les mois et les années qui suivent l’incendie.

L’ampleur des dégradations causées par les flammes dépend bien sûr de l’envergure et de la force du feu, mais aussi du type d’essences qui peuplent la forêt. En effet, certaines essences d’arbres sont mieux armées que d’autres pour résister à la chaleur : le chêne-liège par exemple, dont l’écorce épaisse et isolante ne brûle que de manière superficielle.

En plus des impacts sur l’environnement, les incendies ont souvent des conséquences négatives sur l’économie, par exemple à travers la réduction des activités touristiques ou la perte de production de bois. Les populations locales sont également affectées, car les feux peuvent perturber leurs activités et avoir des impacts négatifs sur leur santé à cause des particules émises par les fumées.

Comment les forêts s’adaptent-elles suite aux feux ?

Les écosystèmes forestiers sont souvent adaptés et résilients face aux feux, à condition que ceux-ci ne soient pas trop fréquents. En effet, certaines essences peuvent se servir du feu pour se renouveler : ce sont les plantes dites pyrophytes. A titre d’exemple, le feu permet d’ouvrir les pommes des pins d’Alep, qui libèrent alors les graines nécessaires à leur reproduction. Chez les insectes, certaines espèces de coléoptères ne peuvent se développer que dans le bois d'arbres récemment détruits par le feu.

Les sols brulés peuvent à terme être d’une grande fertilité pour les essences locales, ce qui améliore la résilience de la forêt. De plus, la diminution du couvert forestier après un incendie permet l’apparition de nouvelles plantes, qui profitent de cette modification de l’environnement pour se développer, jusqu’à ce que de nouveaux arbres grandissent à leur tour. En seulement quelques années, on peut donc retrouver un nombre d’espèces animales et végétales important sur les surfaces détruites par le feu.

Cependant, ces dernières années, les effets du changement climatique (hausse des températures et sécheresses) ont rendu les feux à la fois plus fréquents et plus violents, si bien que les forêts peinent à s’adapter et à se renouveler suite à ce type d’évènement. On estime par exemple que 50% de la forêt française sera exposée à un risque élevé d’incendies en 2050.

Que faut-il faire pour assurer une bonne reprise des forêts sur des surfaces ayant entièrement brûlé ?

Pour plusieurs raisons, la meilleure solution est dans un premier temps de protéger les espaces et d’attendre de voir si la forêt est en capacité de se régénérer naturellement.

Sur une parcelle qui a été incendiée, le sol reste chaud quelque temps, et les conditions physiques et chimiques ne permettent pas une plantation immédiate. Les sols assombris par les cendres emmagasinent la chaleur du soleil, ce qui peut engendrer une chaleur trop importante pendant plusieurs mois, voire plusieurs années après l’évènement. De plus, sans végétation de sous-étage (herbacée et arbustive), il n’y a plus d’ombre portée ni d’évapotranspiration, qui permettrait de réguler la température et l’humidité favorables au développement des jeunes plants. Il en va de même pour les systèmes racinaires présents mais rendus inertes par l’incendie et n’opérant plus d’échanges : ils ne peuvent plus réguler l’humidité et la chimie des sols favorables à la régénération. Les sols nus sont également sujets aux vents, facteurs d’érosion et de dessèchement, ce qui là encore n’est pas favorable.

Au bout de quelques mois après un incendie, quand une légère recolonisation herbacée a eu lieu, on peut alors vérifier le potentiel de régénération naturelle des arbres. En effet, comme on l’a vu, certaines graines survivent aux incendies, et se réveillent lorsque les conditions sont favorables. D’autres sont apportées par le vent, les oiseaux ou d’autres animaux. Enfin, les parties enterrées des souches d’arbres peuvent survivre aux flammes et émettre des rejets, qui deviendront ensuite des arbres. Après quelques années, on peut si besoin opérer une sélection et effectuer divers travaux forestiers (débroussaillage, détourage, etc…) qui permettront de favoriser les pousses les plus prometteuses : c’est ce qu’on appelle la régénération naturelle assistée. Dans les endroits où les risques de désertification ou d’érosion sont importants, ou lorsqu’il y a des impératifs sylvicoles ou paysagers qui incitent à reconstituer la forêt plus rapidement, on peut faire le choix de replanter des arbres plutôt que d’attendre que la forêt se régénère seule.

Combien de temps faut-il pour qu’une forêt se régénère après un incendie ?

Il existe tellement de profils de forêts différentes qu’il est difficile de répondre précisément à cette question ! Le retour des conditions optimales dépendra de l’ampleur des atteintes à la forêt. Le sol doit retrouver des conditions adaptées, et cela peut durer quelques mois à plusieurs années. Cela dépendra aussi de l’ampleur des surfaces détruites et de l’environnement immédiat de la parcelle qui a brûlé : s’il y a des forêts tout autour, avec de nombreuses semences disponibles, et si les conditions météo sont optimales lors des deux premières années suivant l’incendie (avec notamment des pluies suffisantes au printemps), la régénération peut s’enclencher assez rapidement. D’une manière générale, on estime qu’il faudra quand même au moins quatre à cinq ans pour commencer à voir les premières grandes pousses de jeunes arbres, et jusqu’à 100 ans pour avoir à nouveau une vraie forêt digne de ce nom !

Avec des techniques de régénération naturelle assistée, si besoin couplées avec des plantations, on pourra non seulement favoriser la restauration d’une forêt incendiée, mais aussi assurer le renforcement de l’écosystème forestier dans la durée, par exemple en orientant la sélection des essences en faveur de celles qui ont une meilleure probabilité d’évolution et qui sont les plus adaptées au changement climatique.

Pouvez-vous nous donner un exemple de projet de restauration de forêts après incendie sur lequel Reforest’Action a travaillé ?

Nous travaillons depuis 2018 sur des projets au Portugal, notamment à Marvao, où environ 12 000 arbres ont été replantés dans une région très aride afin d’empêcher la désertification. Chaque été, le Portugal est le théâtre de terribles incendies qui détruisent des dizaines de milliers d'hectares de forêt. Reforest'Action participe au reboisement des régions qui ont été touchées par les feux de forêt ces dernières années. Le projet, étendu aux communes de Marvao, Meda, Maçao et Abrantes, permet de planter du pin maritime, du châtaignier, du chêne tauzin, du chêne faginé, de l'aulne glutineux, de l'arbousier et du merisier. Dans ce cas particulier, il est préférable d’opter pour la plantation, car les sols très arides ne permettraient pas une bonne régénération naturelle de la forêt.