Toute l'actualitéAprès quatre ans de fermeture, l’Indonésie rouvre enfin la porte du commerce international des crédits carbone. Une évolution réglementaire majeure qui pourrait faire du pays l’un des pôles stratégiques du marché carbone mondial, à la croisée des enjeux de souveraineté, de transparence et de transition écologique. Cette actualité arrive à point nommé pour le projet carbone développé par Reforest'Action sur l'île de Sumba, en Indonésie.
Marché carbone indonésien : une structuration progressive
Un moratoire pour reprendre le contrôle
En 2021, l’Indonésie prend la décision de suspendre toute exportation de crédits carbone. Derrière cette mesure, une volonté politique claire : reprendre la main sur un marché en pleine effervescence, où certains projets — notamment liés à la déforestation évitée (REDD+) — ont soulevé des inquiétudes quant à leur intégrité et à la juste répartition des bénéfices.
Ce moratoire, présenté alors comme temporaire, vise à offrir au pays le temps nécessaire pour développer un cadre réglementaire domestique solide.
Une structuration progressive centrée sur le marché domestique
Dans les années qui suivent, les autorités indonésiennes entreprennent de structurer un marché national du carbone. Ce cadre, d’abord pensé pour le marché de conformité (compliance market), laisse peu de visibilité aux acteurs du marché volontaire (VCM) ou aux développeurs souhaitant s’appuyer sur des standards internationaux comme Gold Standard ou Verra.
Le lancement, en janvier 2025, de la bourse carbone indonésienne IDX Carbon, marque une étape importante. Ouverte pour la première fois à des acteurs internationaux, elle reste toutefois limitée aux crédits “tech-based”, issus de technologies de réduction d’émissions (énergies renouvelables, efficacité énergétique, etc.).
Des accords de reconnaissance mutuelle : la clé de l’ouverture
À partir du printemps 2025, le gouvernement indonésien accélère la structuration du marché carbone volontaire. Une série de Mutual Recognition Agreements (MRA) vient sceller la nouvelle orientation du pays : s’ouvrir aux standards internationaux, mais dans un cadre maîtrisé.
Un Mutual Recognition Agreement (MRA) est un accord de reconnaissance mutuelle entre un pays et un standard international de certification carbone comme Verra et Gold Standard. Concrètement, il permet à l’État de reconnaître officiellement les crédits certifiés par ces standards tout en exigeant que les projets soient enregistrés sur la plateforme nationale. C’est donc un outil de coopération et de contrôle : il facilite le commerce international des crédits tout en préservant la souveraineté réglementaire du pays hôte.
En 2025, l’Indonésie signe ainsi plusieurs MRA, avec Gold Standard en mai, et avec Verra en octobre. Ces accords marquent un changement de paradigme : l’Indonésie choisit désormais la coopération régulée plutôt que la fermeture administrative.
Levée du moratoire indonésien : un tournant pour le marché carbone
Octobre 2025 : la levée du moratoire, un tournant décisif
Le 10 octobre 2025, une nouvelle réglementation présidentielle vient annuler le décret de 2021 et autoriser à nouveau la vente internationale de crédits carbone. Le texte ouvre officiellement le marché indonésien au secteur volontaire, reconnaît les standards internationaux et, innovation majeure, permet désormais d’appliquer ou non des Corresponding Adjustments selon la nature du projet.
Les Corresponding Adjustments (CA) sont un mécanisme de comptabilité internationale issu de l’Article 6 de l’Accord de Paris. Ils visent à éviter le double comptage des réductions d’émissions : lorsqu’un pays exporte un crédit carbone, il doit soustraire cette réduction de ses propres engagements climatiques, afin que le crédit ne soit pas compté deux fois (par le pays vendeur et par l’acheteur). En autorisant l’usage optionnel des CA, l’Indonésie permet à la fois des transactions entre États et entre acteurs privés, offrant une flexibilité bienvenue tout en restant alignée sur les principes de transparence internationale.
D’ici la COP 30, des guidelines complémentaires devraient être publiées, notamment pour l’accord Verra, tandis que d’ici octobre 2026, de nouveaux textes préciseront les régimes fiscaux, les mécanismes de buffer et d’autres aspects techniques.
Un marché en effervescence et un signal fort pour les investisseurs
L’ouverture du marché indonésien suscite un fort engouement international. Les investisseurs voient dans cette évolution un signe de maturité réglementaire et d’opportunité stratégique : un grand pays forestier, riche en biodiversité, s’ouvre à la coopération mondiale tout en établissant des garde-fous solides.
Pour l’Indonésie, l’enjeu est double : attirer les financements internationaux, indispensables pour atteindre ses objectifs climatiques, et garantir une redistribution équitable des bénéfices aux communautés locales et aux écosystèmes concernés. Pour les acteurs du marché volontaire de la reforestation, cette évolution ouvre de nouvelles perspectives. Les développeurs de projets peuvent désormais envisager une intégration hybride : s’appuyer sur un standard international reconnu tout en répondant aux exigences locales de transparence et de suivi. Les acheteurs, quant à eux, bénéficient d’une meilleure traçabilité et d’une plus grande sécurité réglementaire, deux conditions essentielles pour la crédibilité du marché.
L’Indonésie illustre aujourd’hui une tendance mondiale : celle des pays du Sud cherchant à reprendre la main sur leurs ressources naturelles, tout en s’intégrant activement au marché international du carbone. Cette stratégie de souveraineté ouverte pourrait inspirer d’autres nations forestières à l’approche de la COP30, et redéfinir durablement les règles du jeu du marché carbone mondial. Reforest’Action propose un projet carbone de haute intégrité à Sumba, en Indonésie, qui peut être adapté à de multiples modèles d'investissement afin de correspondre au mieux à votre stratégie climat. Contactez directement l’un(e) de nos expert(e)s pour discuter de vos besoins.