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Interview exclusive de Didier Van Cauwelaert : « N’oublions jamais que sans le monde végétal, nous serions incapables de vivre sur Terre »

Décryptages

Dans son ouvrage « Les Émotions cachées des plantes », publié aux éditions J’ai Lu, Didier Van Cauwelaert révèle le vaste panel d’émotions éprouvées, à notre insu, par les plantes qui nous entourent. Grâce au partenariat entre les éditions J’ai Lu et Reforest’Action, 2000 arbres seront plantés pour restaurer des forêts en Indonésie, à la Réunion, au Togo, en Côte d'Ivoire et au Kenya.

Né « dans une serre », « au milieu des hortensias, des azalées, des chrysanthèmes, des orchidées, dans les parfums lourds de terre humide et de fleurs surchauffées », l’auteur s’est passionné très tôt pour les secrets du règne végétal. Son ouvrage, illustré avec délicatesse par Lucille Clerc, mêle ainsi habilement des anecdotes de sa vie à l’analyse des travaux des plus grands botanistes de la planète, de Francis Hallé à Stefano Mancuso en passant par Jean-Marie Pelt.
A travers un véritable tour du monde du règne végétal, il répond à des questions essentielles pour mieux comprendre la nature qui nous entoure. Les plantes sont-elles sensibles à la flatterie ? Peuvent-elles nous transmettre leurs pensées ? Ressentent-elles du chagrin ? Sont-elles solidaires entre elles ? Son message s’adresse aux petits comme aux grands : apprenons à écouter les plantes et les forêts pour mieux les protéger.
A l’occasion de notre partenariat avec les éditions J’ai Lu, Didier Van Cauwelaert a répondu à nos questions avec tout le talent et la sensibilité de sa plume.

Comment avez-vous eu l’idée d’écrire ce livre et que souhaitiez-vous transmettre à travers lui ?

Didier Van Cauwelaert - Je suis parti des définitions de l’émotion dans les dictionnaires : « état de conscience complexe, souvent accompagné de troubles physiologiques », mais aussi « mouvement, agitation d’un corps collectif pouvant dégénérer en troubles ». J’ai voulu montrer que les plantes sont capables d’éprouver toute la gamme des émotions ainsi définies : la peur, la colère, la gratitude, la ruse, la séduction, la jalousie, la compassion, la solidarité, le principe de précaution, le besoin d’anticipation… Et, comme on l’a récemment démontré, elles savent aussi, par les moyens les plus extraordinaires comme les plus simples, transmettre ce qu’elles ressentent. À une époque où l’homme détruit, par ignorance et par intérêt à court terme, la nature sans laquelle il ne peut vivre, ça me paraissait assez urgent.

Parmi les plantes que vous avez étudiées, quelle est celle qui vous a le plus marqué ?

La drakea, une orchidée d’origine australienne, n’intéresse à la base aucun pollinisateur. Alors, elle a dû mettre au point un stratagème d’une subtilité et d’une efficacité inouïes. Pour ne pas disparaître, cette mal-aimée déguise le centre de sa fleur en guêpe femelle de l’espèce thynnidée, reproduisant avec rigueur sa forme et ses proportions. Le mâle thynnidée, attiré par les phéromones sexuels qu’elle a également su « imiter » à la perfection, se précipite sur la fleur pour copuler. Quand il se rend compte que c’est impossible, il repart chargé malgré lui de pollen qu’il véhiculera ainsi, de drakea en drakea, au fil de ses déboires amoureux – grâce à quoi ces plantes seront fécondées.

Avez-vous une anecdote qui vous lie à une plante en particulier ?

Un beau yucca d’un mètre cinquante a longtemps été mon compagnon d’écriture, à côté de mon bureau. Quand nous avons déménagé, il s’est mis à dépérir au bout de quelques mois. Alors qu’il bénéficiait d’une meilleure exposition qu’avant, il laissait mourir toutes ses feuilles. Y avait-il un lien avec le cancer qui était en train de ronger la chatte qui vivait dans ses parages depuis dix ans ? Toujours est-il qu’après avoir longtemps imploré le yucca de vivre encore, j’avais fini par m’énerver en l’expulsant de l’appartement : « Si tu veux crever, crève ! » Là, dans l’obscurité du palier, il avait refait des feuilles… Dans le même temps, la chatte Célestine vivait une rémission étonnante. Revenu en parfaite santé dans le salon après son jeûne de lumière, le yucca se dessécha brutalement lorsque la chatte s’éteignit.

Que diriez-vous à nos Reforest’Acteurs pour les inciter à mieux écouter les plantes et à mieux protéger le monde végétal, notamment les forêts ?

De la déforestation intensive aux ravages de la pollution, l’homme est devenu en moins d’un siècle l’ennemi public numéro 1 des végétaux. Alors, ne risqueraient-ils pas de le traiter comme tel ?
Au début des années 1990, des hormones féminines ont été découvertes dans différentes espèces végétales, comme l’œstrone dans les pollens de palmiers-dattiers ou la progestérone dans la pomme de terre – à un dosage qui n’est pas sans rappeler celui de la pilule contraceptive… Est-ce une « erreur » de la nature, ou une réponse délibérée à la menace croissante que nous représentons ? Le grand botaniste Jean-Marie Pelt, qui a étudié ce phénomène, a écrit : « La limitation des naissances chez les insectes prédateurs est une activité pratiquée par de nombreuses espèces de plantes. Une stratégie mise en œuvre dans la nature bien avant que l’homme ne l’adopte à son tour. »
Le monde végétal peut très bien se passer de nous, il l’a prouvé durant des centaines de millions d’années. Mais n’oublions jamais que, sans l’oxygène et la nourriture qu’il nous fournit, nous serions incapables de vivre sur Terre. Et que les stratégies de défense végétale s’interrompent quand le danger disparaît : ainsi, sur les sites industriels fermés, les arbres diminuent la concentration de leur pollen, ce qui réduit les allergies dont nous souffrons.


Découvrez les forêts plantées avec Reforest'Action à l’occasion de la publication des « Émotions cachées des plantes aux éditions J’ai Lu !