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La dégradation des écosystèmes favorise le développement de nouvelles maladies

Décryptages

Depuis des décennies, l’homme déploie ses activités sur tous les continents, grignotant progressivement les espaces naturels et détruisant au passage une grande partie de la biodiversité qui s’y trouve. Or la dégradation des écosystèmes, et en particulier des forêts, a notamment pour conséquence d’augmenter la fréquence des contacts entre les hommes et les animaux sauvages. Les virus et maladies portés par ces animaux, qui se trouvaient confinés dans des territoires reculés, trouvent alors auprès des populations humaines de nouvelles victimes potentielles. Le dérèglement climatique est également un facteur aggravant, car il incite de nombreuses espèces animales à migrer pour trouver de quoi survivre alors que leurs habitats naturels ont été modifiés par le climat.

La faune sauvage est un vecteur de transmission

Dans un article paru récemment dans le journal anglais The Guardian, Inger Andersen, directrice de l’ONU Environnement, estime que « 75% des maladies infectieuses émergentes proviennent de la faune sauvage ». L’article dresse la liste des épidémies survenues ces dernières années ayant pour origine une transmission par les animaux : Ebola, grippe aviaire, syndrome respiratoire du Moyen-Orient (Mers), HIV, fièvre de la vallée du Rift, syndrome respiratoire aigu sévère (Sars), virus du Nil occidental, Zika…

Le COVID-19 fait lui aussi partie de la longue liste des virus transmis par la faune sauvage. Les coronavirus sont assez communs chez certains animaux sauvages, en particulier chez les chauves-souris, mais aussi chez les oiseaux. Un article publié en mars 2020 dans la revue Nature décrit les résultats d’une étude du génome du COVID-19 par une équipe de chercheurs : leurs conclusions montrent que des formes très proches de ce virus existent dans le monde animal, notamment chez certaines espèces de chauves-souris et de pangolin, ce qui renforce la piste d’une transmission à l’homme par ces animaux, même si le mode précis de contamination de l’un à l’autre n’est pas encore tout à fait clair.

Certains en déduisent qu’il suffirait d’éliminer tous les animaux porteurs de virus pour mettre l’humanité à l’abri de ce genre de phénomène. C’est une option non seulement radicale, mais surtout inadaptée : c’est bien la diversité des espèces et le maintien de l’équilibre dynamique des écosystèmes qui offrent les meilleures chances de limiter les pandémies. Nous ne connaissons à ce jour qu’une petite partie des espèces vivantes sur terre, et parmi les espèces encore à découvrir se trouvent peut-être celles qui nous fourniront les remèdes à de nombreuses maladies ! Plusieurs études ont d’ailleurs montré que la biodiversité est le meilleur rempart contre la diffusion de nouvelles maladies. Il est donc essentiel de préserver la diversité génétique dans la nature si on veut éviter la multiplication des pandémies.

La déforestation en ligne de mire

Parmi les écosystèmes particulièrement sensibles, les forêts arrivent en tête de liste. Philippe Grandcolas, directeur de recherche au CNRS, et Jean-Lou Justine, professeur au Museum National d’Histoire Naturelle, écrivaient récemment dans un article paru dans The Conversation : « Nous détruisons les milieux naturels à un rythme accéléré : 100 millions d’hectares de forêt tropicale coupés entre 1980 et 2000 ; plus de 85 % des zones humides supprimées depuis le début de l’époque industrielle. Ce faisant, nous mettons en contact des populations humaines, souvent en état de santé précaire, avec de nouveaux agents pathogènes. Les réservoirs de ces pathogènes sont des animaux sauvages habituellement cantonnés aux milieux dans lesquels l’espèce humaine est quasiment absente ou en petites populations isolées. Du fait de la destruction des forêts, les villageois installés en lisière de déboisement chassent et envoient de la viande contaminée vers des grandes villes. »

Le virus Nipah, l’un des plus dangereux virus connus, est un exemple de transmission à l’homme par des animaux, suite à une série d’évènements vraisemblablement liés à la déforestation. Ce virus est apparu en Malaisie à la fin des années 90, dans une région victime d’une déforestation intense pour permettre le développement de l’élevage de porcs. Les chauves-souris frugivores qui vivaient dans la forêt ont été contraintes de trouver d’autres sources d’alimentation, et sont donc venues se nourrir dans les vergers des exploitations agricoles les plus proches. Leur salive et leur urine ont contaminé les fruits, qui ont ensuite été consommés par des porcs d’élevage, qui ont à leur tour contaminé près de 300 personnes au sein des populations locales.

En détruisant les écosystèmes forestiers, la déforestation crée des déséquilibres qui favorisent l’émergence de nouvelles maladies infectieuses. Ce phénomène a notamment été démontré en 2016 dans une étude internationale conduite par des chercheurs de l’Institut de Recherche pour le Développement, de l’Inserm et de l’Université de Bournemouth. Si l’on continue à détruire ces écosystèmes, les épidémies risquent fort de devenir de plus en plus fréquentes. Préserver nos forêts partout dans le monde, ce n’est donc pas seulement protéger la biodiversité, c’est aussi préserver notre santé !

Prendre des mesures adaptées

A ce stade, les différentes hypothèses sur la pandémie actuelle de COVID-19 demandent encore à être vérifiées, mais certaines mesures peuvent être prises dès maintenant pour réduire les risques de transmissions entre la faune sauvage et l’homme. Parmi elles, il y a bien sûr l’arrêt du commerce d’animaux sauvages. La Chine a d’ores et déjà fait un premier pas en annonçant fin février l’interdiction de tout commerce et consommation d’animaux sauvages.

Plus globalement, c’est le renforcement du niveau de protection des aires protégées et la diminution de la pression exercée par les activités humaines sur la biodiversité, en particulier en réduisant la déforestation, qui semblent prioritaires.

Nous avons tous un rôle à jouer dans ce domaine : en tant que citoyens, en questionnant nos modes de vie et de consommation, et en incitant nos gouvernants à mettre en place des modes de développement plus respectueux de l’environnement ; et en tant qu’entreprises, en mesurant précisément l’empreinte de nos activités sur la biodiversité et en déployant des stratégies adaptées.