Reforest’Action / La vitiforesterie au sein de la Maison de champagne Ruinart : pour la régénération des écosystèmes
Toute l'actualité

La vitiforesterie au sein de la Maison de champagne Ruinart : pour la régénération des écosystèmes

Décryptages

Un projet de vitiforesterie pour répondre aux enjeux environnementaux

Un projet de vitiforesterie est souvent une histoire d’hommes, de terroirs, d’opportunités et de choix.

En l’occurrence, la Maison Ruinart menait déjà depuis de nombreuses années des actions afin de réduire ses émissions de gaz à effet de serre et lutter contre le changement climatique. En effet, en trente ans, la température moyenne a augmenté de 1,1°C en Champagne, et le cycle de la vigne en pâtit directement. Ainsi les vendanges 2022 en Champagne ont-elles commencé le 28 août - septièmes vendanges débutant au mois d’août depuis 2003. il y a cinquante ans, elles se déroulaient fin septembre-début octobre[1].

La Maison de champagne cherche actuellement non seulement à lutter mais aussi à s’adapter au changement climatique. A travers le développement de projets de "Recherche et Innovation", elle souhaite traiter des enjeux liés à la biodiversité, à l’eau et au sol. Elle tient à contribuer au développement d’une « nouvelle approche » de la viticulture en Champagne. C’est dans ce contexte que la collaboration avec Reforest’Action a été initiée en 2020. Quelques mois plus tard, 96 % de quelques 5000 plants prenaient racine et le projet de vitiforesterie commençait progressivement à se formaliser.

Le projet pilote de la maison Ruinart est ambitieux. En effet, l’objectif est de planter au total - et d’ici 2023 :

  • près de vingt mille plants, arbres et arbustes,
  • cinq kilomètres de haies périphériques et bosquets intra-parcellaires,
  • des arbres isolés et des îlots de feuillus,
  • six à sept hectares de couverts végétaux,
  • deux mille mètre carrés d’îlots destinés à morceler la parcelle avec un maillage complet sans pression excessive sur le vignoble et sa conduite.

La vitiforesterie, une pratique aux multiples bénéfices

Aubépine, charme, merisier à grappes, hêtre vert, cornouiller, viorne, saule marsault, sorbier, fusain, hêtre pourpre… Pierre Hermans, Directeur du Bureau d’Etudes de Reforest’Action, a initialement sélectionné plus d’une quinzaine d’essences de bois locaux. Celles-ci contribuent à améliorer fortement la biodiversité et à offrir des habitats à la faune utile à la culture de la vigne : coccinelles, chrysopes, oiseaux, chauve-souris. La Maison Ruinart a également été accompagnée par des naturalistes afin de répertorier plus de 100 espèces animales selon les lieux : haie, prairie, habitat, vignoble, forêt.

De plus, des corridors écologiques ont été créés dans le cadre d'une monoculture de vigne en implantant des haies et des arbres à la fois autour et au cœur du vignoble. Une telle technique contribue à favoriser un microclimat protégé des vents du nord. Les corridors assurent aussi des connexions entre des réservoirs de biodiversité. Cela garantit aux espèces des conditions favorables à leur déplacement et leur permet d’accomplir leur cycle de vie dans des conditions favorables. L’orchestration d’une telle diversité a ainsi favorisé la création d’un maillage au service de la faune et de la flore.

Louise Bryden - œnologue de la Maison Ruinart, a expliqué lors d’un entretien qu’« en restaurant des écosystèmes sains, l’entreprise espère répondre aux défis du changement climatique, régénérer les sols durablement, avoir un vignoble plus résistant face aux maladies et aux ravageurs et continuer à élaborer les cuvées Ruinart dans le futur. »

Une expertise nécessaire pour garantir l’efficience du projet

Quoique simple sur le papier, un projet de vitiforesterie devient extrêmement technique en pratique.

Par exemple, dans le cadre du projet de la Maison de champagne Ruinart, il a fallu tenir compte de différents paramètres - en particulier l'ombrage créé par la végétation et son impact sur les rendements. Les équipes ont aussi intégré les concurrences hydriques éventuelles et les contraintes de production, comme le passage des engins dans les vignes, par exemple.

Il était impératif d'éviter tout risque pour la vigne. Elle aurait pu par exemple être touchée par d'éventuelles propagations de maladies. Les fruitiers et les noisetiers ont ainsi été écartés. Ils étaient susceptibles d’introduire des maladies comme "l’esca" au cœur même du vignoble.

En outre, la gestion adaptative est encouragée. Les pratiques peuvent évoluer dans le temps, en fonction du contexte, qu'il soit d'ordre économique, personnel, communautaire, écologique, climatique, ou biorégional.

Selon Louise Bryden, il est crucial de s’assurer de la mesure de ces changements sur les écosystèmes par le biais d'un suivi scientifique.

Il est aussi nécessaire d'utiliser par exemple des indicateurs précis portant sur le suivi des parcelles conduites en vitiforesterie ou d'autres considérant les espèces plantées. Ils peuvent aussi permettre de considérer les personnes impactées positivement.

Vers une économie régénérative valorisant la collaboration avec les écosystèmes

Les pratiques de vitiforesterie permettent la régénération des écosystèmes. Elles sont appliquées d'une manière unique à chaque contexte, à chaque climat et chaque région. Elles acceptent des processus d**'apprentissage constants** - par essai et par erreur, en intégrant de nouvelles manières de cultiver en fonction de chaque environnement.

Dans le cadre de cet effort de régénération, diverses parties prenantes sont aussi impliquées.

La Maison Ruinart a en particulier souhaité partager son expérience auprès des acteurs institutionnels comme les collectivités locales. La municipalité est très intéressée, d’autant que son mot d’ordre est « un habitant, un arbre ». Cet intérêt est également partagé par la Région qui regarde le projet avec intérêt. Celui-ci pourrait servir de pilote à la création d’un corridor écologique sur la Montagne de Reims. La Maison Ruinart a également travaillé avec le "Grand Reims" sur le projet de Montbré - la forêt ceinturant le fort de Montbré situé en surplomb du vignoble de Taissy. Celle-ci constitue un réservoir de biodiversité.

L'entreprise accompagne également les vignerons partenaires dans des initiatives similaires au sein de leurs vignobles, de même que tous les acteurs de la Champagne - à travers le Comité Champagne, par exemple. Pour les aider, elle met à leur disposition l’expertise de Reforest’Action afin de construire des projets sur-mesure adaptés à leurs parcelles.

La forêt, le vignoble, la vigne mais aussi la plaine, sont donc reliés. Ils constituent un ensemble cohérent et favorable à la régénération des écosystèmes.

[1] Source : comité interprofessionnel du vin de Champagne/INRA de Bordeaux Sciences Agro/Inter-Rhône/INRA de Colmar Science & impact, cité dans : Ollat N. et al., 2021. La diversité des vignobles français face au changement climatique : simulations climatiques et prospective participative. Climatologie, 18, 3.

Le projet s’inscrit dans le cadre du mouvement IMAGINE qui réunit les acteurs souhaitant se mobiliser dans le monde entier pour la préservation et la régénération des forêts à grande échelle afin de lutter contre l’urgence climatique et restaurer la biodiversité. Projet Imagine : https://imagine-forest-team.com

Crédits photos : Maison Ruinart, et Mathieu Bonnevie (première photo : haies)