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Stratégie 2021-2030 de l’Union européenne pour les forêts : une ambition environnementale affirmée

Décryptages

Aspirant à devenir le premier continent neutre en carbone en 2050, l’Union européenne entend pour atteindre cet objectif s’appuyer sur l’un des trésors de son patrimoine naturel : les forêts. Ainsi, dans le sillage du Green Deal officiellement lancé en 2020, du Fit for 55 package ou encore de la Stratégie Biodiversité, la Commission européenne a présenté sa nouvelle Stratégie Forêt ce 16 juillet. Elle n’inclut cependant pas le sujet de la déforestation, qui fait l'objet de mesures à part entière à l’échelle mondiale comme l’indique la Communication de la Commission (2019) sur le renforcement de l’action de l’UE en faveur de la protection et de la restauration des forêts dans le monde.

Une stratégie axée sur la préservation et la restauration des écosystèmes forestiers

La stratégie comporte de nombreux éléments positifs illustrant la prise en compte des enjeux de protection et restauration de ces écosystèmes : protection stricte des forêts primaires et anciennes ; proposition d’un instrument juridiquement contraignant pour la restauration des écosystèmes forestiers européens d'ici la fin de 2021 ou encore élaboration de lignes directrices en faveur du boisement et le reboisement respectueux de la biodiversité d'ici le premier trimestre 2022. Ainsi la Commission insiste-t-elle sur des forêts saines et résilientes comme outil principal pour aider l’Union dans son ensemble à atteindre leurs engagements climatiques, protéger la biodiversité et contribuer à la prospérité des zones rurales, notamment en encourageant l’essor d’activités non liées au bois (écotourisme, sport, etc.).

L’Union européenne a également démontré son souhait de préserver les emplois et l’économie liée au secteur forestier. À cet égard, la stratégie propose la mise en place d’un certificat afin d’encourager les bonnes pratiques de gestion forestière en labélisant les produits qui en sont issus et en valorisant la gestion forestière durable. Par ailleurs, la bioéconomie jouera un rôle important dans cette ambition notamment pour le secteur de la construction (utilisation de matériaux bois par exemple avec séquestration carbone). Si l’intention est louable car elle permet de contribuer à lutter contre le changement climatique en favorisant le développement de produits et services moins carbonés, la Stratégie énonce : “l'approvisionnement en produits du bois devrait se faire en synergie avec l'amélioration de l'état de conservation des forêts européennes et mondiales, et la préservation et la restauration de la biodiversité pour la résilience des forêts, l'adaptation au climat et la multifonctionnalité des forêts. Le bois à haute valeur écologique devrait donc être exclu de ces pratiques, “rester dans les limites de la durabilité et être compatible avec les objectifs climatiques 2030 et 2050 et les objectifs de biodiversité de l'UE.” En effet, toujours selon la Stratégie : “comme l'indiquent des études récentes, à court et moyen terme, c'est-à-dire jusqu'en 2050, il est peu probable que les avantages supplémentaires potentiels des produits du bois récoltés et de la substitution de matériaux compensent la réduction du puits forestier net associée à l'augmentation de la récolte. Les États membres devraient prêter attention à ce risque, qui relève de leur responsabilité en vertu de la législation applicable en la matière.”

Une stratégie innovante soumise à arbitrage

La Commission a aussi fait preuve d’innovation en se positionnant sur le développement de systèmes de paiement des services écosystémiques : d'ici novembre 2021, elle fournira des conseils et des orientations techniques sur l'élaboration d'un système de paiement pour services écosystémiques à l’échelle européenne ; ainsi que la promotion de systèmes de rémunération liés aux forêts dans un plan d'action pour la certification de l'agriculture et de l'élimination du carbone, à adopter d'ici la fin de 2021. Par ailleurs, le soutien à « la conception et la mise en œuvre, sur la base de données factuelles, de stratégies de restauration des forêts, avec la participation de la société et dans différents contextes écologiques et socio-économiques, notamment par le biais de la mission de recherche et d'innovation prévue sur la santé des sols forestiers » illustre notamment la volonté de l’Union d’inclure toutes les parties prenantes au dialogue forestier.

Pour autant, d’autres enjeux ne sont pas encore clairement définis par la Stratégie. Le suivi de l’état de santé des forêts est un enjeu majeur : à titre d’exemple entre 2015 et 2020, 3 % des forêts européennes ont été endommagées en raison de vents forts, d’attaques d’insectes, de feux de forêts ou encore de broutage d’ongulés. Harmoniser les données relatives aux forêts européennes permettrait donc d’adapter les politiques de gestion et d’avoir une vision globale sur le long-terme de ces écosystèmes (recherche et développement, innovation). A l'heure où les forêts européennes sont de plus en plus fragilisées par le changement climatique et ses conséquences, l'Union aurait réellement à gagner à se doter d'un système de remontées des données commun.

De même, il est possible que les ambitions de la Commission en matière de protection et de préservation des forêts se heurtent à d’autres réalités. En effet, la directive REDII encourage l’usage d’énergies renouvelables et donc de bois énergie (la bioénergie à base de bois est actuellement la principale source d'énergie renouvelable, fournissant 60% de l'utilisation d'énergie renouvelable de l'UE). Cependant, la Commission appelle “les États membres [à concevoir] leurs régimes d'aide à l'utilisation de la biomasse à des fins énergétiques de manière à réduire au minimum les effets de distorsion indus sur le marché des matières premières de la biomasse et les incidences néfastes sur la biodiversité.”

Trois milliards d'arbres additionnels à planter

Parallèlement à la Stratégie Forêt, la Commission européenne s’est engagée à planter 3 milliards d'arbres additionnels dans l’UE d’ici 2030. Le principe d’additionnalité repose ici sur un boisement supplémentaire qui viendra compléter les programmes déjà établis par certains Etats membres et ne réduira en aucun cas la biodiversité existante. Cette mesure inscrite dans la Stratégie biodiversité devra être déployée dans le respect de normes écologiques clairement définies et avec des acteurs de référence pour répondre au principe “du bon arbre, au bon endroit pour le bon usage”. Les parcelles agro-forestières, agricoles et urbaines sont concernées par le programme et un suivi de long terme sera assuré sur ces zones. Ces plantations supplémentaires seront complémentaires aux efforts d'adaptation des forêts affectées par des aléas via des projets de reboisements diversifiés, de plantation et régénération naturelle assistée (RNA).

La Nouvelle Stratégie pour les forêts européennes va être soumise au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions pour avis. Face aux pressions émanant d’acteurs aux intérêts divergents, il est possible que la Stratégie fasse l’objet de remaniements importants.