En Afrique de l’Ouest, où le secteur agricole est source de revenus pour près de 60% de la population active, 90% des calories consommées sont produites localement. La santé, la diversité et la durabilité des systèmes agricoles revêtent ainsi une importance cruciale, tant pour la sécurité alimentaire des communautés locales que pour la génération de revenus équitables.
Comment permettre aux communautés paysannes de renforcer leur résilience, de gagner en autonomie et de s’adapter aux changements climatiques qui impactent directement leurs cultures vivrières et leurs cultures de rente comme le cacao, la noix de cajou et le café ? C’est à travers un projet d’agroforesterie comme celui d’Avé Ga au Togo, conçu pour restaurer 15750 hectares de terres et séquestrer 6,2 millions de tonnes équivalent CO2, que des solutions concrètes se construisent.
En tant que Senior Carbon Manager, Pauline Vialatte est responsable du développement de projets de séquestration du carbone chez Reforest’Action. De la conception du design à la coordination des activités et au suivi des impacts, son expertise d’ingénieure est mise au service du projet Avé Ga, actuellement en voie de certification par le standard international du carbone Verra. Découvrez son interview.

Quelle est l’expertise de Reforest’Action dans le développement d’un projet certifié par un standard international du carbone ?
Pauline Vialatte : En tant que développeur de projets de haute intégrité certifiés par des standards internationaux du carbone, Reforest’Action pilote l’ensemble du processus de développement et de certification des projets comme celui d’Avé Ga au Togo. Nous sommes également responsables de la vente des crédits carbone émis grâce au projet auprès d’entreprises qui se doivent, dans le cadre du Standard Net Zero de la SBTi, de réduire leurs émissions d’au moins 90% d’ici 2050, ou bien auprès de fonds d’investissements en capital naturel. Une étroite synergie est ainsi à l’œuvre entre nos métiers d’ingénierie au plus proche du terrain, notre expérience en recherche de financements et en accompagnement sur-mesure des investisseurs, et nos expertises financières et juridiques au service d’une gouvernance robuste.
Quelles compétences internes sont mobilisées pour le développement du projet Avé Ga ?
Pauline Vialatte : Concrètement, dans le cadre du projet Avé Ga, nous apportons des expertises spécifiques aux domaines du carbone, de la finance et du juridique afin de prendre en charge à la fois les besoins des investisseurs et les exigences de la certification carbone, tout en assurant que le projet garantit un haut niveau d’intégrité environnementale et sociale, en endossant notamment la co-conception du design du projet avec le Project Implementer basé sur le terrain, l’analyse d’éligibilité et d’additionnalité et la modélisation ex-ante de la séquestration carbone, le développement d’un business model robuste ou encore la veille à l’adéquation du projet avec le cadre de certification.
Nous déployons également tout notre savoir-faire opérationnel hérité de plus de 15 ans d’expérience dans le développement et le suivi de projets de reforestation et d’agroforesterie, de la supervision de l’ensemble des activités du projet sur le terrain au pilotage et à la gestion adaptative de la performance opérationnelle et financière du projet grâce à un suivi rapproché avec le Project Implementer et un cadre de reporting établi dès le démarrage du projet.
En somme, l’expertise de Reforest’Action permet aux financeurs du projet Avé Ga de sécuriser leurs investissements, de réduire les risques et de renforcer leur impact sur le climat, la biodiversité et les communautés locales, via un projet de séquestration du carbone fondé sur la nature et de haute intégrité.
En quoi le projet génère-t-il des bénéfices fondamentaux pour les écosystèmes et les communautés locales ?
Pauline Vialatte : Le projet Avé Ga vise à restaurer les écosystèmes en inversant la dégradation des terres, en diversifiant les essences d’arbres et en améliorant les conditions environnementales via le déploiement de cinq modèles de plantation différents. Les bénéfices fondamentaux du projet comprennent ainsi l’atténuation du changement climatique grâce à la séquestration du carbone dans la biomasse et le sol, ainsi que la restauration de la biodiversité notamment grâce à la valorisation de quatre espèces d’arbres classées comme menacées par l’UICN. Avé Ga soutient également des pratiques d’agriculture durable, contribue à renforcer la sécurité alimentaire des communautés, à diversifier les productions agricoles et à améliorer l’accès aux marchés. Des activités de formation et de sensibilisation des communautés permettront d’améliorer leurs connaissances techniques, tout en encourageant leur participation à la prise de décision via un développement inclusif et la création d’emplois pérennes.

En quoi le projet permet-il une séquestration carbone additionnelle ?
Pauline Vialatte : L’additionnalité est un facteur essentiel qui permet de s’assurer que les absorptions de CO2 n’auraient pas lieu sans la mise en place du projet. Les critères de démonstration de l’additionnalité exigent de prouver que les fonds obtenus sont essentiels à la viabilité du projet. Dans le cas d’Avé Ga, les activités de projet sont mises en place sur des terres dédiées à une production agricole qui implique communément, dans la zone du projet, la pratique de l’agriculture sur brûlis. A l’état initial, les parcelles sont donc soumises à des cycles de dégradation, rendant impossible la régénération naturelle de la végétation, avec un scénario de référence où le stock de carbone moyen est très faible. Le développement de l’agroforesterie dans le cadre du projet permettra ainsi une séquestration carbone additionnelle par rapport au maintien d’une agriculture conventionnelle.

En quoi le projet répond-il aux exigences de transparence et de traçabilité ?
Pauline Vialatte : La transparence est essentielle pour garantir l’intégrité du projet. Dans le cadre du projet Avé Ga, toutes les hypothèses de modélisation de la séquestration carbone ainsi que l’ensemble de la modélisation financière sont partagées avec les investisseurs. De même, le cadre de reporting (indicateurs concernés, fréquence) est co-construit avec eux. Nous exigeons en parallèle un reporting financier et opérationnel mensuel de la part du Project Implementer tout au long de la phase de déploiement des activités. Par ailleurs, la démonstration des impacts générés par le projet, mise à disposition de l’auditeur et du standard de certification, incluent une traçabilité complète des données brutes collectées sur le terrain jusqu’aux résultats agrégés, permettant ainsi leur vérification.
Comment les impacts générés par le projet seront-ils suivis et mesurés ?
Pauline Vialatte : Le suivi du projet relève à la fois du monitoring opérationnel, pour garantir l’efficacité des opérations sur le terrain, et du monitoring de l’impact, pour s’assurer de la réalisation des objectifs fixés pour les bénéfices fondamentaux sélectionnés, selon le cadre du standard CCB (Climate, Community & Biodiversity). Le plan de monitoring du projet s’articule ainsi autour de différents indicateurs, chacun étant défini avec des unités, des méthodes, des processus de contrôle qualité, des références, des objectifs et une fréquence de suivi, conformément aux exigences de la méthodologie VM0047 et du label ABACUS. Un plan de monitoring préliminaire a été élaboré lors de l’étude de faisabilité, qui sera affiné lors de la phase de préparation du projet. Concernant la mesure de la séquestration carbone, elle repose à la fois sur des mesures par télédétection, sur des inventaires terrain de la biomasse et du carbone organique du sol, tels que prescrits par la méthodologie VM0047, et sur le prélèvement et l’analyse en laboratoire d’échantillons de sol statistiquement représentatifs.

Quelle stratégie est mise en place pour atténuer les risques spécifiques au terrain ?
Pauline Vialatte : Il est primordial d’analyser et de comprendre les risques (risques naturels, risques internes liés à la mise en œuvre des activités du projet, risques liés aux organisations qui implémentent le projet, risques liés aux hautes valeurs de conservation…), car ces facteurs influencent directement la durabilité du projet, la réalisation des impacts attendus et la valorisation des investissements. A ce titre, Reforest’Action a mis au point un processus de gestion des risques étape par étape, appliqué parallèlement au développement du projet. Ce processus comprend la réalisation d’une due diligence pendant les phases d’étude du projet, et l’élaboration d’un plan de gestion des risques pendant la phase de préparation du projet, qui sera mis en œuvre et actualisé tout au long des 40 années de mise en œuvre du projet.
Comment maximiser la permanence du projet ?
Pauline Vialatte : Le projet Avé Ga a une période d’émission de crédits carbone de 36 ans et une durée de vie de 40 ans, qui correspond à la durée des accords conclus avec les propriétaires fonciers. Le suivi couvre les 36 ans de la période de génération de crédits, auxquels s’ajoutent 7 années de suivi de la permanence par télédétection. Le projet vise toutefois une permanence à long terme, bien au-delà de 40 ans, en transformant de façon durable les pratiques agricoles traditionnelles de culture sur brûlis en systèmes forestiers et agroforestiers. Cet objectif sera atteint grâce à la formation (aux techniques agroforestières et de régénération naturelle gérée par les agriculteurs) et à l’autonomisation des communautés locales afin qu’elles puissent, à moyen terme, s’approprier le projet et assurer sa permanence en bénéficiant d’avantages socio-économiques, comme par exemple la création et le développement de coopératives agricoles, qui contribueront à ancrer durablement le projet dans l’économie locale.

En quoi le projet Avé Ga répond-il ainsi à l’ensemble des critères d’un projet de séquestration du carbone fondé sur la nature et de haute intégrité ?
Pauline Vialatte : Avé Ga est un projet de séquestration du carbone de haute intégrité en cela qu’il vise non seulement à la création de puits de carbone, mais également à la maximisation des impacts environnementaux et socio-économiques auprès des communautés locales. Via un design robuste, durable et adapté aux enjeux locaux et un processus de gestion proactive des variables inévitables, Avé Ga répond aux normes de qualité les plus élevées en matière de climat, de biodiversité et d’inclusion des communautés. Multifonctionnel, le projet est en mesure de soutenir la stratégie climat de ses investisseurs, tout en contribuant à la qualité et à la fiabilité du marché volontaire du carbone grâce à une démarche de transparence, de traçabilité, de prise de décision inclusive et de répartition équitable de la valeur.