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SBTi FLAG : comprendre et piloter la transformation des chaînes de valeur agricoles

Décryptages

La transformation des systèmes agricoles représente l’un des leviers les plus puissants dont disposent les entreprises pour réduire leur empreinte carbone et renforcer la résilience de leurs chaînes d’approvisionnement. À mesure que les organisations cherchent à s’aligner sur les trajectoires scientifiques de décarbonation, le SBTi FLAG, notamment dédié aux secteurs liés à l’usage des terres, s’impose comme un cadre structurant. Comprendre ce qu’il implique et savoir comment l’appliquer concrètement devient une étape essentielle pour toute entreprise dépendante des matières premières agricoles et forestières.

Comprendre le SBTi FLAG : un cadre structurant pour les chaînes d’approvisionnement

Qu’est-ce que la SBTi et son guide sectoriel SBTi FLAG ?

La Science Based Targets initiative (SBTi) constitue aujourd’hui le cadre de référence international permettant aux entreprises d’adopter des trajectoires de réduction d’émissions conformes aux exigences des Accords de Paris. En s’appuyant sur les recommandations du GIEC et sur une méthodologie rigoureuse, la SBTi offre un dispositif d’accompagnement et de validation des engagements climat, garantissant leur crédibilité et leur alignement avec l’objectif de limitation du réchauffement à 1,5 °C.

Au sein de ce référentiel global, le guide sectoriel SBTi FLAG (Forest, Land and Agriculture) occupe une place spécifique : il traduit les principes de la SBTi dans le contexte particulier des émissions issues de l’usage des terres, et notamment les acteurs des produits forestiers et papetiers — incluant la sylviculture, le bois, la pâte à papier, le papier et le caoutchouc —, les secteurs de la production agricole végétale et animale, de la transformation agroalimentaire, de la distribution alimentaire, ainsi que l’industrie du tabac. Ces secteurs font partie des principaux concernés, mais le critère déterminant reste la part des émissions FLAG dans l’inventaire total de l’entreprise.

En intégrant les spécificités biologiques de ces secteurs et leur capacité unique à séquestrer du carbone, le SBTi FLAG fournit aux entreprises un cadre méthodologique dédié, leur permettant de définir des trajectoires ambitieuses mais adaptées aux réalités de leurs chaînes de valeur.

Un cadre conçu pour répondre aux spécificités des émissions liées aux terres

Alors qu’autrefois les entreprises concentraient leur reporting carbone sur les émissions issues de la consommation d’énergies fossiles et du changement d’usage des sols – c’est-à-dire la transformation d’un écosystème vers un autre sous l’effet d’activités humaines, comme la déforestation ou la conversion d’une prairie permanente en cultures –, elles doivent désormais élargir leur périmètre d’analyse. La comptabilisation inclut aujourd’hui les émissions liées à l’usage même des terres, entendu comme l’exploitation d’un sol dans le cadre d’une production agricole. Cette prise en compte de l’utilisation des terres permet d’adopter une approche plus exhaustive de l’empreinte carbone, en intégrant les variations du stock de carbone présentes dans les sols ou dans la biomasse, qu’il s’agisse de déstockage ou, au contraire, d’un stockage additionnel.

Dans le cadre du SBTi FLAG, les organisations dont l’activité repose sur l’usage des terres sont ainsi tenues de définir des objectifs de réduction fondés sur la science, inscrits dans un horizon de cinq à dix ans. Par ailleurs, les entreprises qui n’appartiennent pas directement à ces secteurs, mais dont les émissions FLAG représentent plus de 20 % de leur empreinte carbone totale, doivent également établir des objectifs spécifiques au périmètre FLAG. Cette exigence garantit une couverture exhaustive des impacts liés à l’usage des terres, indépendamment du cœur d’activité de l’entreprise.

Les entreprises dont les émissions FLAG représentent moins de 20 % de leur empreinte carbone totale ne sont pas obligées de fixer des objectifs SBTi FLAG, mais peuvent s’y engager de façon volontaire, à condition que les objectifs fixés soient rigoureux, mesurables et crédibles.

Un double objectif obligatoire : réduire et séquestrer

La singularité du SBTi FLAG réside dans l’obligation conjointe de réduire les émissions absolues et d’augmenter la séquestration de carbone dans la chaîne de valeur. Les entreprises concernées doivent viser une réduction d’au moins 30 % de leurs émissions d’ici 2030 selon la trajectoire par défaut (sauf lorsqu’une trajectoire spécifique à leur matière première est disponible), tout en investissant dans des pratiques agricoles ou écosystémiques capables d’augmenter les stocks de carbone dans les sols et la biomasse. Cette double exigence reflète la nature hybride de l’agriculture, à la fois source et puits de carbone, et implique une transformation profonde des pratiques.

Un impératif de permanence et de suivi rigoureux

Le SBTi FLAG ne se contente pas d’exiger des résultats : il impose également de garantir leur maintien dans le temps. Les gains de séquestration peuvent être annulés par une modification de pratiques, un retournement de sol ou une dégradation des écosystèmes. L’entreprise doit donc s’engager dans un suivi rigoureux, reposant sur des systèmes de mesure, de reporting et de vérification adaptés au vivant. Cette exigence structure un nouveau type de relation avec les producteurs, dans une logique de partenariat durable.

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Mettre en pratique le SBTi FLAG : les leviers d’action

Construire une démarche robuste fondée sur la mesure, le partenariat et le financement

Pour assurer la crédibilité d’une trajectoire FLAG, l’entreprise doit commencer par une compréhension précise des émissions associées à ses matières premières et de la géographie de ses approvisionnements. Cette cartographie permet d’identifier les zones de risque, les pratiques à transformer en priorité et les opportunités de séquestration. Sur cette base, la co-construction avec les agriculteurs devient indispensable. Diagnostics partagés, formations techniques, contractualisations innovantes, paiements pour services environnementaux ou co-financement de projets agroforestiers créent un cadre propice à la transition. Le SBTi FLAG exige également la mise en place d’un système de mesure et de suivi fiable. Les données de terrain, les outils numériques et les méthodes de vérification indépendantes doivent être mobilisés pour documenter l’évolution des pratiques et garantir la permanence des gains réalisés. Enfin, la transition agricole nécessite un financement à la hauteur des enjeux. Les entreprises doivent concevoir des mécanismes de partage de risques, des incitations économiques et des modèles de rémunération capables d’encourager les producteurs à transformer durablement leurs pratiques.

Réduire les émissions à la source grâce à l’évolution des pratiques agricoles

La réduction des émissions dans les chaînes agricoles passe d’abord par une meilleure maîtrise des intrants, tant en quantité qu’en nature. La fertilisation azotée constitue à ce titre un enjeu central, non seulement en raison des émissions de protoxyde d’azote qu’elle génère au champ, mais aussi du fait de l’empreinte carbone élevée associée à la production des engrais minéraux, dont les procédés industriels sont particulièrement énergivores. En optimisant les apports d’azote, en adaptant les formes d’engrais utilisés et en diversifiant les rotations — notamment par l’introduction de cultures fixatrices d’azote — il devient possible de réduire significativement les émissions tout en améliorant la performance agronomique et économique des exploitations.

Dans les filières d’élevage, la baisse des émissions repose également sur une combinaison de leviers complémentaires. L’ajustement des rations alimentaires, l’amélioration génétique des troupeaux — par la sélection d’individus capables de convertir plus efficacement leur ration en énergie utile, réduisant ainsi leur production relative de méthane — ou encore la valorisation des effluents par méthanisation permettent de diminuer l’empreinte climatique de l’élevage.

Dans tous les cas, la mise en œuvre de ces évolutions nécessite un accompagnement technique étroit et une relation de confiance durable avec les producteurs, condition indispensable à la transformation effective des pratiques.

Augmenter le stockage de carbone des parcelles par des pratiques agroécologiques

La séquestration du carbone dans les sols constitue un second pilier majeur des stratégies alignées avec le SBTi FLAG. Les pratiques agroécologiques — telles que la couverture permanente des sols, la diversification des rotations, la réduction du travail mécanique ou l’apport de matières organiques — permettent d’accroître progressivement la matière organique et donc le carbone stocké. Bien qu’elles produisent leurs effets sur plusieurs années, ces approches renforcent la fertilité, la résilience et la biodiversité des systèmes agricoles.

L’agroforesterie s’inscrit pleinement dans cette dynamique, en combinant deux leviers complémentaires de séquestration : le stockage du carbone dans les sols et celui accumulé dans la biomasse des arbres. En intégrant des composantes arborées au sein des parcelles agricoles, ces systèmes permettent de capter durablement du carbone dans la biomasse aérienne et souterraine des arbres, incluant le bois, les branches et les systèmes racinaires, tout en stimulant les flux de matière organique vers le sol. Les recherches scientifiques convergent aujourd’hui pour montrer que la transition de systèmes agricoles conventionnels vers des systèmes agroforestiers améliore significativement le stockage global de carbone.

Une méta-analyse publiée dans Agroforestry Systems, synthétisant plusieurs dizaines d’études menées dans des contextes pédoclimatiques variés, met notamment en évidence une augmentation substantielle des stocks de carbone organique des sols après l’introduction d’arbres au sein des parcelles agricoles. Ces résultats confirment que l’agroforesterie contribue durablement à la séquestration biologique du carbone, à la fois dans les sols — en particulier dans les premiers horizons — et dans la biomasse arborée, tout en générant des bénéfices agronomiques, microclimatiques et économiques pour les exploitations.

Restaurer les écosystèmes naturels pour préserver les puits de carbone

Voté en 2022 pour une entrée en vigueur le 31 décembre 2026, le Règlement européen sur la déforestation importée (RDUE) exige des entreprises qu’elles démontrent, produit par produit, l’absence de déforestation après le 31 décembre 2020. Dans ce contexte, renforcer la traçabilité, intégrer des critères d’achat stricts et contractualiser des pratiques de gestion durable avec les fournisseurs devient indispensable. Ces démarches peuvent s’accompagner de programmes de restauration de paysages agricoles ou forestiers dégradés au sein des territoires d’approvisionnement, contribuant à la fois à la séquestration du carbone et à la mise en conformité réglementaire.

Pour de nombreuses entreprises, la protection des écosystèmes présents au sein ou en amont de leurs chaînes de valeur constitue ainsi un levier d’impact majeur, en particulier lorsqu’elles s’approvisionnent en matières premières issues de régions exposées au risque de déforestation ou de conversion des terres. En réorientant leurs stratégies d’approvisionnement vers la préservation des terres et la gestion durable des écosystèmes qui soutiennent leurs filières, les entreprises répondent simultanément aux exigences du RDUE et du SBTi FLAG, tout en consolidant la résilience environnementale et sociale des territoires dont dépend leur activité.

Parce que la déforestation reste l’une des principales sources d’émissions FLAG, les dernières évolutions du SBTi FLAG précisent les modalités d’engagement des entreprises dans ce domaine. Celles-ci disposent désormais de deux ans après la validation de leurs objectifs FLAG — et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2030 — pour atteindre l’absence totale de déforestation dans leurs chaînes d’approvisionnement. Par ailleurs, leur engagement devra couvrir les sept commodités définies par le RDUE — bœuf, cacao, café, huile de palme, caoutchouc, soja et bois — dès lors que chacune représente au moins 5 % des émissions FLAG brutes de l’entreprise. Cette évolution, mise en consultation fin 2024, renforce la cohérence entre le SBTi FLAG et les exigences réglementaires européennes, tout en facilitant la convergence des systèmes de conformité.

Reforest’Action accompagne les entreprises dans la transition agricole

Reforest’Action propose aux entreprises un accompagnement sur-mesure pour intégrer l’agriculture régénératrice directement au cœur de leurs chaînes de valeur. Grâce à plus de 15 ans d’expertise en agroforesterie, nous concevons des projets adaptés au contexte local et aux objectifs stratégiques des entreprises, qu’il s’agisse de sécuriser les approvisionnements, de réduire l’empreinte carbone ou de renforcer la résilience des terres agricoles. Nous intervenons en quatre étapes clés — étude de faisabilité, ingénierie de projet, mise en œuvre, puis monitoring à long terme — pour garantir des résultats tangibles et durables.

En combinant restauration des sols, pratiques agroécologiques, agroforesterie, suivi écologique et soutien aux communautés locales, notre approche génère des bénéfices multiples : stockage carbone, biodiversité accrue, amélioration de la santé des sols, qualité de l’eau, sécurité des rendements et retombées socio-économiques positives. Pour les entreprises, cela représente non seulement une réponse concrète aux exigences du SBTi FLAG, mais également une contribution structurée à la durabilité environnementale et sociale de leurs chaînes de production.

Répondre aux exigences du SBTi FLAG ne revient pas simplement à adopter une méthodologie supplémentaire. C’est un changement de paradigme qui implique une transformation profonde des pratiques agricoles, des relations commerciales et des investissements réalisés au sein des territoires. En agissant sur la réduction des émissions, sur la séquestration biologique du carbone et sur la restauration des écosystèmes, les entreprises peuvent non seulement respecter les critères scientifiques, mais aussi renforcer la résilience de leurs chaînes d’approvisionnement et créer un avantage compétitif durable. Le SBTi FLAG apparaît ainsi comme une opportunité majeure d’inscrire l’action climatique au cœur même des paysages agricoles et de contribuer à la régénération du vivant. Vous êtes une entreprise et vous souhaitez faire évoluer les pratiques liées à la production de vos matières premières ? Nos experts sont là pour échanger avec vous et vous accompagner dans votre réflexion. Contactez-nous !

RESSOURCES

Étude de cas : Kiabi et l’agriculture régénératrice. Découvrez comment Kiabi, marque internationale de mode, transforme sa chaîne d’approvisionnement en coton en intégrant des pratiques d’agriculture régénératrice. Ce projet, mené en Inde avec Reforest’Action, répond aux enjeux environnementaux et sociétaux du secteur textile tout en alignant la stratégie RSE de l’enseigne sur sa Vision 2035. Une initiative innovante qui allie réduction des impacts carbone, préservation de l’eau, amélioration des sols et soutien aux communautés locales.

Livre blanc : Agriculture régénératrice. Ce livre blanc vous offre une clé de compréhension globale sur la nécessité d’entamer votre transition agroécologique pour garantir la durabilité de vos activités et créer de la valeur pour votre entreprise. Découvrez pourquoi et comment mettre en œuvre un projet d'agriculture régénératrice qui vous permettra d'atteindre vos objectifs SBTi FLAG.