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La sécurité alimentaire au cœur du design des projets agroforestiers

Décryptages

Aujourd’hui, 40% des terres sont dégradées à travers le monde, d’après la récente Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification. Pourtant, 95% de la nourriture nécessaire à l’humanité provient directement ou indirectement de la terre, selon la FAO. C’est ainsi 3 milliards de personnes qui souffrent de l’impact de cette dégradation, en particulier via des difficultés d’accès à la nourriture. Parce que la restauration des écosystèmes et les bénéfices socio-économiques sont au cœur de nos actions, nous développons des projets d’agroforesterie depuis 15 ans. En associant des arbres aux cultures ou à l’élevage au sein d’une même parcelle agricole, l’agroforesterie s’impose comme une alternative à l’agriculture conventionnelle. Elle permet notamment de restaurer les terres, de soutenir la biodiversité, de produire des denrées alimentaires, de pérenniser les cultures et de diversifier la production agricole, tout en contribuant à la résilience et à l’adaptation des systèmes agricoles face au changement climatique. En quoi la sécurité alimentaire est-elle l’un des aspects centraux du design des projets d’agroforesterie développés par Reforest’Action et certifiés par des standards internationaux du carbone ? Décryptage.

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Qu’est-ce que la sécurité alimentaire ?

Sécurité et insécurité alimentaire

La sécurité alimentaire a été définie par la Conférence mondiale de l'alimentation, convoquée par l’Organisation des Nations Unies en 1996, comme étant la « situation dans laquelle tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui répond à leurs besoins nutritionnels et à leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active. »

A l’inverse, l’insécurité alimentaire se caractérise soit par la sous-alimentation, où la consommation alimentaire est insuffisante pour fournir l’apport énergétique nécessaire à une vie normale, active et saine, soit par la malnutrition, où l’apport nutritionnel est insuffisant en termes de quantité et/ou de qualité. Elle concerne entre 713 et 757 millions de personnes dans le monde en 2023 (soit près de 10% de la population mondiale), ce qui représente environ 152 millions de personnes de plus qu’en 2019, où elle concernait 7,1% de la population mondiale. En augmentation, l’insécurité alimentaire est liée à la dégradation des terres agricoles et aux dérèglements climatiques, ainsi qu’à des aléas comme les sécheresses ou les inondations, et aux conflits locaux ou globaux.

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La carte de la faim – Source : World Food Program

Les quatre piliers de la sécurité alimentaire

La sécurité alimentaire est évaluée selon quatre critères :

  • La disponibilité : dans une région donnée, la nourriture est-elle physiquement présente (production, réserves et transport de denrées alimentaires) ?
  • L’accès : si la nourriture est physiquement présente, les populations peuvent-elles y accéder sur le plan physique et économique ?
  • L’utilisation : si la nourriture est disponible et que les populations y ont accès, fournit-elle des apports nutritionnels et énergétiques adéquats en termes de diversité, de quantité et de qualité ?
  • La stabilité : l’ensemble du système alimentaire dans la région est-il stable et pérenne ?

Comment concilier alors les enjeux de préservation des sols et des ressources naturelles et la production d’une alimentation suffisante, diversifiée et durable ? Les communautés locales sont les premières concernées par ces enjeux. Dans le cadre du développement de projets certifiés par des standards internationaux du carbone, l’un des objectifs de Reforest’Action est ainsi d’améliorer la qualité de vie des populations locales et la durabilité de leurs productions et de leurs écosystèmes, bien au-delà de la seule séquestration du carbone.

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Jeune plant de citrus planté en agroforesterie au Togo

Quel est le lien entre les arbres et l’alimentation ?

Les forêts soutiennent la diversité et la qualité de l’alimentation

Les écosystèmes forestiers contribuent directement à l'alimentation des communautés humaines, qu’elles soient ancrées à proximité directe d’espaces boisés ou éloignées de ceux-ci. Fleurs, fruits, écorce, feuilles, racines, sève, miel, graines, noix, baies, plantes, champignons, insectes, gibier… Autant d’éléments qui peuvent s’intégrer dans les habitudes alimentaires locales et qui constituent des sources diversifiées et qualitatives d’apports en énergie et en micronutriments (fer, vitamine A, iode, zinc, etc.).

C’est ainsi près de 1 milliard de personnes dans le monde qui dépendent directement des forêts pour la récolte de nourriture, et plus de 5 milliards de personnes qui se nourrissent, se soignent et génèrent des revenus grâce aux produits forestiers.

Entre outre, la sécurité alimentaire dépend de la disponibilité du bois de chauffage pour la cuisson des aliments et pour les techniques de conservation de la nourriture telles que le séchage et le fumage. Dans le monde, 784 millions de personnes utilisent en effet le bois pour faire bouillir de l'eau.

La diversité nutritionnelle et le taux de couvert forestier sont liés

Alors que, d’après la FAO, 2 milliards de personnes dans le monde souffrent d'une carence en micronutriments, les aliments issus des forêts peuvent contribuer à lutter contre cette dite faim cachée. Une étude du programme d’enquêtes démographiques et de santé, conduite à l’échelle du continent africain, observe que la consommation de fruits et de légumes augmente avec le taux de couvert arboré, jusqu’à ce que celui-ci atteigne 45%, par exemple dans le bassin du Congo, berceau de la deuxième plus grande forêt pluviale de la planète.

Cela s’explique par l’accès des populations à des ressources alimentaires forestières et agroforestières et par la prégnance de techniques agricoles constituant des mosaïques paysagères complexes et par conséquent plus diversifiées.

Les arbres contribuent à la stabilité et à la productivité des systèmes agricoles

L’agroforesterie, qui permet de (ré)introduire l’arbre au cœur du système agricole, apporte de nombreux services à celui-ci. Elle permet notamment d’enrichir les sols et de les rendre plus fertiles, de créer un microclimat et de contribuer à protéger les cultures sous-jacentes du vent, des sécheresses, du grand froid mais aussi des aléas naturels tels que les tempêtes et les inondations. L’agroforesterie contribue également à la sécurité alimentaire des communautés locales en leur permettant de diversifier leur production de denrées comestibles.

Elle est aussi source de revenus pour les agriculteurs grâce à la vente de produits ligneux et non-ligneux issus des arbres – l’augmentation des revenus des ménages peut alors contribuer à un meilleur approvisionnement alimentaire.

Les projets d’agroforesterie développés par Reforest’Action et certifiés par des standards internationaux du carbone visent ainsi un impact positif sur les 4 critères de la sécurité alimentaire :

  • La disponibilité des ressources en soutenant la production de denrées alimentaires ;
  • L’accès à la nourriture en soutenant la production locale et les revenus des populations ;
  • L’utilisation adéquate des aliments en soutenant des systèmes agricoles diversifiés ;
  • La stabilité des systèmes alimentaires grâce à la durabilité des projets.

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Exemple de parcelle agroforestière au Togo

Intégrer la sécurité alimentaire dans le design des projets

Des analyses préliminaires pour définir le scénario socio-économique de référence (baseline)

En amont du développement d’un projet agroforestier certifié par un standard international du carbone, Reforest’Action conduit une analyse approfondie du contexte local, en s’appuyant également sur des experts locaux le cas échéant pour la collecte de données, afin d’identifier les enjeux sociaux et économiques saillants et la façon dont le projet pourra y répondre sur le long terme.

Cette analyse inclut une focale portée sur la sécurité alimentaire, via l’utilisation de différents outils en fonction du contexte du pays, dans l’objectif de comparer le scénario initial (baseline) au scénario de projet. L’objectif : relever des données quantitatives et qualitatives qui seront par la suite comparées aux mesures d’impact effectuées tout au long de la vie du projet, et au-delà.

Reforest’Action a notamment développé un outil qui analyse la qualité du design des projets pour contribuer à la sécurité alimentaire. Cet outil s’appuie sur différentes bases de données (base de données sur la sécurité alimentaire du World Food Program, base de données sur les besoins nutritionnels quotidiens de l’ANSES...) et permet de :

  • Fournir des informations sur le niveau de sécurité alimentaire dans la zone du projet, ainsi sur d’autres indicateurs comme l’autonomie alimentaire, le taux d’anémie chez les femmes et les enfants, la malnutrition chronique chez les enfants de moins de 5 ans, la dépendance aux produits importés…
  • Fournir des informations nutritionnelles (richesse en fer, en vitamine A, en zinc…) sur les aliments qui seront produits dans le cadre du projet ;
  • Proposer des pistes d’amélioration du design du futur projet en tenant compte des recommandations du Comité sur la sécurité alimentaire mondiale du World Food Program ;
  • Fournir un cadre d’analyse de la production de nourriture attendue dans le cadre du projet.

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Exemples de résultats issus de l’outil sécurité alimentaire développé par Reforest’Action

L’exemple du projet Avé Ga, au Togo

Le projet Avé Ga, au Togo, prévoit la mise en place de systèmes agroforestiers fondés sur l’introduction d’arbres fertilisants (afzelia, albizia, acajou, fraké, framiré, samanea…) et fruitiers (cocotier, anacardier, corossolier, oranger, caféier, manguier, avocatier, cacaoyer…) au sein de 5 préfectures du pays.

Le design socio-économique du projet Avé Ga prévoit ainsi de renforcer la sécurité alimentaire de 10 000 familles réparties dans environ 85 villages, par le déploiement de différentes activités qui permettent de répondre directement aux recommandations du Comité sur la sécurité alimentaire mondiale du World Food Program.

Le projet vise notamment à promouvoir la diversité alimentaire dans les systèmes agricoles, à produire des aliments contribuant à l'apport énergétique et à l'apport en micronutriments recommandé et à renforcer l'autonomie alimentaire des communautés grâce à la génération de revenus complémentaires :

  • La plantation d’arbres fruitiers permettra la récolte de fruits (mangue, orange, coco, avocat…) pour la consommation alimentaire locale, additionnée aux cultures déjà présentes dans les champs (maïs, gombo, igname…).
  • L’intégration d’arbres au sein des parcelles cultivées permettra en outre d’enrichir le sol et, in fine, d’améliorer le rendement des cultures vivrières essentielles à la sécurité alimentaire des communautés.
  • La vente d’une part des cultures de rente (cajou, cacao, café) intégrées dans le design du projet et l’augmentation du rendement des cultures vivrières devraient également soutenir la génération de revenus complémentaires pour les ménages et contribuer ainsi à un meilleur approvisionnement alimentaire.

L’exemple du projet MuLaKila, au Rwanda

Dans un contexte local où 86% des ménages sont concernés par l’insécurité alimentaire, le projet MuLaKiLa, au Rwanda, vise à intégrer des essences agroforestières, natives et fruitières aux cultures, et contribue à lutter contre l’insécurité alimentaire de 40 000 familles, tout en favorisant la durabilité économique et environnementale au sein de 21 000 hectares de terres.

La production alimentaire et la sécurité alimentaire sont ainsi deux axes prioritaires du projet. Dans cette optique, le projet promeut activement les pratiques d'amélioration de la gestion des terres agricoles (IALM) grâce à une approche qui combine renforcement des capacités, formation pratique et soutien direct aux petits exploitants agricoles. En renforçant les connaissances et les compétences techniques, cette initiative améliore à la fois la résilience environnementale et les opportunités économiques des agriculteurs.

Le projet vise également à renforcer les chaînes de valeur existantes du café et du thé en intégrant des arbres plantés en agroforesterie au sein des parcelles, en améliorant la durabilité et en renforçant les opportunités économiques pour les membres des coopératives. Grâce à des partenariats stratégiques et à un soutien ciblé, l'initiative favorise la productivité et la résilience à long terme dans ces secteurs agricoles clés. Le projet encourage également la création de nouvelles plantations de café basées sur l'agroforesterie pour les petits exploitants. Le soutien aux cultures commerciales peut fournir de meilleurs revenus et contribuer à la sécurité alimentaire en renforçant le pouvoir d'achat des ménages. Au moins 30% des arbres distribués aux producteurs locaux pour le développement de l’agroforesterie sur leurs parcelles sont des arbres fruitiers, fournissant ainsi une source directe de nourriture aux ménages.

Au-delà du café et du thé, le projet vise à diversifier la production agricole et à faciliter l'accès au marché pour de nouvelles chaînes de valeur. En aidant les petits exploitants à cultiver et à vendre des produits à forte valeur ajoutée, le projet permet d’améliorer les revenus des ménages et la stabilité économique régionale. Une étude sur la chaîne de valeur est en cours afin d'identifier d'autres possibilités de développement dans le cadre du projet. Cette étude, qui devrait être achevée d'ici juillet 2025, ouvrira ainsi la voie à de futures initiatives de développement.

Tout au long de la vie du projet, Reforest’Action s’assurera que les impacts projetés sur la sécurité alimentaire se réalisent effectivement. Ce suivi sera conduit grâce à un outil qui mesure de façon chiffrée l’évolution de la sécurité alimentaire via la méthode CARI (Consolidated Approach for reporting Indicators on Food Security) du World Food Program, par comparaison aux données relevées via les analyses conduites avant le déploiement du projet.

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Plantation d'un arbre en agroforesterie au Togo

La sécurité alimentaire est l’un des piliers des projets agroforestiers développés par Reforest’Action, et certifiés par un standard international du carbone. Grâce à notre démarche préliminaire d’analyse du contexte socio-économique, nous nous assurons, avant même le démarrage d’un projet, que son design prévoit de fournir des avantages adaptés et durables aux populations concernées, notamment en termes de disponibilité des ressources alimentaires et d’accès à celles-ci, de qualité des apports nutritionnels des produits issus des arbres dans le cadre du projet, et de stabilité du système alimentaire ainsi renforcé.
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